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L'Etranger

Plan de la fiche sur l'Г©pilogue de L'Г©tranger d'Albert Camus :

Ce texte est un extrait de l'Г©pilogue du roman L'Etranger de Albert Camus, grand Г©crivain du XXГЁme siГЁcle, qui, avec L'Etranger en 1942, accГЁde Г la cГ©lГ©britГ©. Il met en scГЁne Meursault, le personnage principal accablГ© par son quotidien, refusant de jouer le jeu du conformisme social, il vit au jour le jour.
L'Etranger retrace une partie de la vie de cet employГ© de bureau qui tient une sorte de journal de bord dans lequel le lecteur plonge dans le quotidien de cet individu. Un jeu de circonstance l'amГЁne Г tuer un arabe.
A l'article de la mort, l'aumônier pénètre dans la cellule de Meursault, la conversation s'engage entre les deux hommes, les paroles de douceur et d'espoir mettent Meursault hors de lui ; la tentative de repentir Meursault échoue et ce dernier se précipite sur l'aumônier le saisit au collet et l'insulte, c'est alors que Meursault a une terrible révélation. tout homme naît pour mourir, d'une façon ou d'une autre nous sommes tous destinés à mourir.
Le passage est un long pathГ©tique mais Г la fois tragique monologue oГ№ s'opposent la croyance et la rГ©alitГ©, la rГ©volte, les pensГ©es enfouies et la nuit estivale mais aussi deux subjectivitГ©s. celle du condamnГ© et la condition humaine.

Lecture du texte


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Lu par Albert Camus

Alors, je ne sais pas pourquoi, il y a quelque chose qui a crevé en moi. Je me suis mis à crier à plein gosier et je l'ai insulté et je lui ai dit de ne pas prier. Je l'avais pris par le collet de sa soutane. Je déversais sur lui tout le fond de mon cœur avec des bondissements mêlés de joie et de colère. Il avait l'air si certain, n'est-ce pas. Pourtant, aucune de ses certitudes ne valait un cheveu de femme. Il n'était même pas sûr d'être en vie puisqu'il vivait comme un mort. Moi, j'avais l'air d'avoir les mains vides. Mais j'étais sûr de moi, sûr de tout, plus sûr que lui, sur de ma vie et de cette mort qui allait venir. Oui, je n'avais que cela. Mais du moins, je tenais cette vérité autant qu'elle me tenait. J'avais eu raison, j'avais encore raison, j'avais toujours raison. J'avais vécu de telle façon et j'aurais pu vivre de telle autre. J'avais fait ceci et je n'avais pas fait cela. Je n'avais pas fait telle chose alors que j'avais fait cette autre. Et après. C'était comme si j'avais attendu pendant tout le temps cette minute et cette petite aube où je serais justifié. Rien, rien n'avait d'importance et je savais bien pourquoi. Lui aussi savait pourquoi. Du fond de mon avenir, pendant toute cette vie absurde que j'avais menée, un souffle obscur remontait vers moi à travers des années qui n'étaient pas encore venues et ce souffle égalisait sur son passage tout ce qu'on me proposait alors dans les années pas plus réelles que je vivais. Que m'importaient la mort des autres, l'amour d'une mère, que m'importaient son Dieu, les vies qu'on choisit, les destins qu'on élit, puisqu'un seul destin devait m'élire moi-même et avec moi des milliards de privilégiés qui, comme lui, se disaient mes frères. Comprenait-il, comprenait-il donc. Tout le monde était privilégié. Il n'y avait que des privilégiés. Les autres aussi, on les condamnerait un jour. Lui aussi, on le condamnerait. Qu'importait si, accusé de meurtre, il était exécuté pour n'avoir pas pleuré à l'enterrement de sa mère. Le chien de Salamano valait autant que sa femme. La petite femme automatique était aussi coupable que la Parisienne que Masson avait épousée ou que Marie qui avait envie que je l'épouse. Qu'importait que Raymond fût mon copain autant que Céleste qui valait mieux que lui. Qu'importait que Marie donnât aujourd'hui sa bouche à un nouveau Meursault. Comprenait-il donc, ce condamné, et que du fond de mon avenir. J'étouffais en criant tout ceci. Mais, déjà, on m'arrachait l'aumônier des mains et les gardiens me menaçaient. Lui, cependant, les a calmés et m'a regardé un moment en silence. Il avait les yeux pleins de larmes. Il s'est détourné et il a disparu.
Lui parti, j'ai retrouvé le calme. J'étais épuisé et je me suis jeté sur ma couchette. Je crois que j'ai dormi parce que je me suis réveillé avec des étoiles sur le visage. Des bruits de campagne montaient jusqu'à moi. Des odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse paix de cet été endormi entrait en moi comme une marée. À ce moment, et à la limite de la nuit, des sirènes ont hurlé. Elles annonçaient des départs pour un monde qui maintenant m'était à jamais indifférent. Pour la première fois depuis bien longtemps, j'ai pensé à maman. Il m'a semblé que je comprenais pourquoi à la fin d'une vie elle avait pris un « fiancé », pourquoi elle avait joué à recommencer. Là-bas, là-bas aussi, autour de cet asile où des vies s'éteignaient, le soir était comme une trêve mélancolique. Si près de la mort, maman devait s'y sentir libérée et prête à tout revivre. Personne, personne n'avait le droit de pleurer sur elle. Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre. Comme si cette grande colère m'avait purgé du mal, vidé d'espoir, devant cette nuit chargée de signes et d'étoiles, je m'ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. De l'éprouver si pareil à moi, si fraternel enfin, j'ai senti que j'avais été heureux, et que je l'étais encore. Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu'il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine.

Fin de L'Etranger - Albert Camus

Annonce des axes

Deux axes de lecture constitueront notre Г©tude, le premier. La rГ©volte de Meursault et le second, le regard de Meursault В« l'homme absurde В» sur la vie.

I. La rГ©volte de Meursault

Meursault a toujours fait preuve d'impassibilitГ©, lГ. dГЁs le premier paragraphe, la colГЁre l'a envahit sans qu'il ne sache rГ©ellement pourquoi В« alors, je ne sais pas pourquoi, il y a quelque chose qui a crevГ© en moi В». On remarque le champ lexical de la colГЁre qui peint l'atmosphГЁre dans la cellule, citons В« je me suis mis Г crier Г plein le gosier В», В« je l'ai insultГ© В», В« pris par le collet В», В« je dГ©versais sur lui tout le fond de mon cour avec des bondissement mГЄlГ©s de joie et de colГЁre В», un peu plus loin nous avons В« j'Г©touffais en criant tout ceci В».
Pis encore, il y a ce manque de respect, cette violence sans pitiГ© pour cet envoyГ© de dieu qui tente de discuter В« il n'Г©tait sГ»r d'ГЄtre en vie puisqu'il vivait comme un mort В» (ligne 11), ici, nous sommes en prГ©sence de la pensГ©e athГ©e que nous dГ©velopperons un peu plus loin.

A partir de la ligne 11, il y a cette réaffirmation de soi dans le fil conducteur de ce long monologue qui marque d'une certaine façon l'apogée du texte. C'est le début d'une remise en question qui sera marquée entre autres par des phrases de types oratoires et des « flash-back ».
La colère de Meursault se traduit également par une colère physique, nous citons « moi j'avais l'air d'avoir les mains vides » (l.11 et 12), nous remarquons que c'est une façon tacite de faire allusion au poids de l'aumônier qui importe peu dans un cas d'extrême colère.
Auparavant, Meursault ne prenait pas beaucoup de recul, il ne faisait pas d'allusion Г l'avenir, preuve de cette stabilitГ© de pensГ©e, il est retranchГ© de la vie, il sort du corset du temps В« sГ»r de ma vie et de cette mort qui allait venir В» (l.14).
A partir de la ligne 17, outre les rГ©pГ©titions du verbe В« avoir В» Г la premiГЁre personne du singulier de l'imparfait, c'est-Г -dire 7 occurrences Г chaque dГ©but de phrases. Meursault n'Г©coute que lui, seules ses convictions sont vraies. Il se suffit Г lui-mГЄme В« j'avais eu raison, j'avais encore raison, j'avais toujours raison В» (l.18).
La forte rГ©volte de ce condamnГ© Г mort confГЁre Г sa vie son prix et sa grandeur, elle exalte l'intelligence et l'orgueil de celui-ci.
Il y a une remise en question prГ©dominante avec l'Г©noncГ© des actes acquis, des faits et leurs paradoxes, c'est un vГ©ritable retour en arriГЁre (l. 17 a 22).

En outre : la raison, la vie, le fait accompli ou du non accompli, soulignent ce constat. Ils sont les thГЁmes forts.

A la ligne 22, la question oratoire В« et aprГЁs. В» montre le cГґtГ© ridicule d'une vie vouГ©e dГЁs le dГ©part Г la mort.
Nous observons une corrГ©lation entre la mort et la vie qui renvoie Г la programmation de la mort dГЁs l'aube de la vie, c'est-Г -dire que dГЁs sa naissance, l'homme est un condamnГ© Г mort. Dans l'Г©noncГ© cette mort programmГ©e est d'ailleurs illustrГ©e par la sГ©quence. В« tout le monde Г©tait privilГ©giГ© В»; В« les autres on les condamnerait un jour. В» (l.41).
De la ligne 22 Г 44, Meursault dГ©couvre le lot de tout homme, il est condamnГ© Г mort et cette rГ©flexion est le rejet violent de l'hypothГЁse religieuse et surtout de celle d'un espoir chimГ©rique.
On voit Camus dans Meursault, le personnage fictif a une dimension rГ©elle dans la rГ©flexion religieuse de Camus, il refuse un certain nombre de rГ©ponses comme l'hypothГЁse religieuse qui consiste en l'idГ©e que l'homme ait voulu et guidГ© par Dieu et que tous les actes ont une consГ©quence sur la vie Г©ternelle.
Il y a une occurrence au mot В« importance В» (l.25) et 5 occurrences aux verbes В« importer В» conjuguГ© Г l'imparfait (l.34.35.44.52).
Meursault n'attache plus d'intГ©rГЄt Г ce qui pourrait avoir un caractГЁre important, considГ©rable ; il perd toute illusion avec la vie В« je tenais cette vГ©ritГ© autant qu'elle me tenait В» (l.16), В« comprenait-il donc ce condamnГ© et que du fond de mon avenir. J'Г©touffais en criant tout ceci В» (l.56-58).
De plus, à partir de la ligne 47, il y a une série d'énumération, un parallélisme entre le chien de Salamano et sa défunte femme, la petite femme automatique, la femme de Masson et Marie, Raymond son simulacre d'ami et Céleste, Marie et un nouvel amant. C’est un constat établi à vif sur le seuil de la mort, à défaut de retracer comme d'autres les bons moments de la vie vécue.
Plus, le verbe В« arracher В» Г la ligne 58 montre la forte colГЁre dans laquelle se trouvait Meursault, il exprime avec virulence le caractГЁre de la rГ©volte intГ©rieure qui s'est Г©prit de ce dernier.
Le dГ©part de l'aumГґnier, ne fait que mettre l'accent sur le cГґtГ© pathГ©tique et dГ©risoire de la situation В« m'a regardГ© pendant un moment en silence. Il avait les yeux pleins de larmes. Il s'est dГ©tournГ© et il a disparu В» (l.60-63). L'aumГґnier n'a rien pu faire, son intervention a tout de mГЄme aidГ© Г mettre en lumiГЁre l'attitude de l'homme absurde (qui donne au drame sa solution logique celui qui dГ©cide de vivre seulement avec ce qu'il sait, c'est-Г -dire avec la conscience de l'affrontement sans espoir entre l'esprit et le monde).

L'Гўme de Meursault serait-elle damnГ©e ?


II. Le regard de Meursault В« l'homme absurde В» sur la vie

Dans notre seconde partie, Meursault se retrouve au calme avec le dГ©part de l'aumГґnier. Sa prГ©sence fut un vГ©ritable supplice pour le condamnГ©, comme le suggГЁre. В« lui parti, j'ai retrouvГ© le calme. J'Г©tais Г©puisГ© et je me suis jetГ© sur ma couchette В».
Cette partie est intГ©ressante en ce qu'elle traite de deux sujets distincts. le champ lexical de la nature symbolique et la corrГ©lation entre la vie et la mort.
A travers cette partie nous retrouvons le champ lexical d'une nature paisible dans une AlgГ©rie endormie, elle se manifeste dГ©jГ Г la ligne 67 В« je me suis rГ©veillГ© avec des Г©toiles sur le visage В», В« des bruits de campagne В», В« des odeurs de nuit, de terre et de sel В», В« une marГ©e В», В« le soir Г©tait comme une trГЄve mГ©lancolique В» В« cette nuit chargГ©e de signes et d'Г©toile В», le sujet de la nature est un thГЁme rГ©current dans la philosophie de Meursault qui l'Г©voque rГ©cemment Г travers son rГ©cit. Ce champ lexical souligne les valeurs bГ©nГ©fiques de la nature В« rafraГ®chissaient mes tempes В» ; В« merveilleuse paix В».

La seule chose qui semble ne pas ГЄtre absurde et dГ©nuГ©e de sens Г ses yeux semble ГЄtre cette nature dans laquelle il y trouve parfait repos et qui confesse ses pensГ©es les plus obscures.
Toutefois, malgrГ© ces instants de calme dues Г la nuit paisible, de cette В« merveilleuse paix de cet Г©tГ© endormi В» (l.71), c'est un moment capital pour Meursault car c'est В« a ce moment, et Г la limite de la nuit В» que les sirГЁnes ont retenti pour venir le chercher. A l'aube, Meursault mourra.
La mort et la vie vont se trouver de nouveau associГ©es dans l'ultime corrГ©lation. entre la mort et la libГ©ration, c'est-Г -dire l'approche de la mort est vГ©cue comme une dГ©livrance В« si prГЁs de la mort, maman devait s'y sentir libГ©rГ© В» (l.82).
Cette mГЄme corrГ©lation renvoie Г une construction en miroir qui suggГЁre un retour vers l'origine, il y a une corrГ©lation sГ©mantique entre cette origine et la maternitГ©, laquelle est niГ©e dans l'ensemble du roman. В« maman devait s'y sentir libГ©rГ©e et prГЄte Г tout revivre В» (l.83) // В« et moi aussi, je me suis senti prГЄt Г tout revivre В» (l.86).
Pis encore, si prГЁs de la mort Meursault rejoint sa mГЁre В« pour la premiГЁre fois depuis bien longtemps [.] jouГ© Г recommencer В» (l.76 Г 80) nous comprenons que la pensГ©e de la mort ne semble pas particuliГЁrement l'effrayer.
S'il accepte d'un cour Г©gal tout ce qui lui arrive et en particulier sa condamnation, nous ne voyons aucune trace de complaisance ou de faiblesse. Le sort commun n'intГ©resse pas le hГ©ros (nous l'avons vu prГ©cГ©demment), ce qui compte pour lui c'est la mort donnГ©e, c'est-Г -dire que Meursault donne la mort, on donne la mort Г Meursault et la mort est sentie comme un spectacle. В« il me restait Г souhaiter qu'il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exГ©cution В» (l.94).

Enfin, la derniГЁre phrase de notre Г©noncГ© В« cris de haine В» exprime le dГ©sir portГ© Г son paroxysme d'ГЄtre sГ©parГ© des hommes.

En somme, nous pouvons dire que L'Etranger aussi В« Г©trange В» soit-il ressemble Г ces romans policiers oГ№ l'assassin est connu dГЁs les premiГЁres lignes et oГ№ tout l'intГ©rГЄt se concentre sur l'approche du chГўtiment.

Ainsi l'ouvre se rГ©sume Г la cГ©lГЁbre phrase de Camus В« Dans notre sociГ©tГ© tout homme qui ne pleure pas Г l'enterrement de sa mГЁre risque d'ГЄtre condamnГ© Г mort В».

Meursault ne serait-il pas un antihГ©ros des temps modernes.